Dans le monde, 60% des sols sont dégradés. Pourtant le sol est vital à notre survie, et sa dégradation pose la question de notre sécurité alimentaire, et de notre capacité à produire de manière durable. Mais qu’est-ce qu’un sol en bonne santé ? Pour en savoir plus, nous avons échangé avec Adrienne de Malleray, cofondatrice de Genesis.
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Qu’est-ce que Genesis ?
Genesis est un fournisseur de preuve d’impact de l’usage des terres pour les industriels. On s’intéresse à l’usage des sols, notamment dans le cadre de leur artificialisation, mais aussi en agriculture ou dans les forêts. Genesis apporte des preuves de terrain sur l’impact de l’activité humaine sur les sols, et détermine si un sol est en bonne santé ou pas et pourquoi. Nous analysons le sol par rapport à un référentiel scientifique et étudions si le sol est capable de remplir ses fonctions.
Le sol a souvent été le grand oublié de l’environnement. On parle de la pollution de l’air, de l’eau, mais on a tendance à oublier le sol. J’aime rappeler que nous sommes des terriens, on vit sur la terre, on s’alimente, on s’habille, on se loge grâce au sol, ce n’est pas simplement un support. Le sol a aussi une fonction environnementale car il stocke du carbone. Il a un rôle vital dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est aussi LE lieu où se développe la biodiversité : 25% de la biodiversité connue est dans le sol ! Il a également des fonctions hydriques : en période de sécheresse ou d’inondation, un sol en mauvaise santé ne peut plus répondre à ces stress extérieurs via l’usage de l’eau. Un sol en bonne santé résiste à la sécheresse, il va retenir les inondations, capter et stocker le surplus d’eau. Sur un sol tassé et en mauvaise santé, l’eau ne pénètre pas, n’hydrate pas le sol, ne remplit pas les nappes phréatiques voire provoque des glissements de terrain, de l’érosion…
Quelle est votre mission chez Hectar ?
Chez Hectar, nous travaillons sur l’atelier pilote floriculture réalisé avec Parfums Christian Dior. Nous objectivons l’impact de l’insertion de bandes de fleurs dans des grandes cultures, et nous étudions dans quelle mesure cela améliore le fonctionnement du sol.
Le sol est déterminant pour notre alimentation et le changement climatique mais on en parle assez peu : pourquoi ?
Oui, l’avènement de la chimie a presque fait oublier le sol. Elle a été très puissante pendant plusieurs dizaines d’années, on pensait pouvoir tout faire ! Mais aujourd’hui, la chimie ne peut plus faire fonctionner l’ensemble du système, et elle a des conséquences très lourdes, que ce soit en termes de pollution, de disparition des espèces… La recette miracle ne marche plus, car le sol n’est pas seulement un support, et ça on l’a enfin compris. Bien sûr il y a eu des précurseurs comme les Bourguignons, qui ont été les premiers à tirer la sonnette d’alarme et à dire que le sol était fondamental, mais la discussion sur les sols et leur état biologique a été tardive. Quand nous avons lancé Genesis il y a 5 ans, nos interlocuteurs ne comprenaient pas ce qu’était la santé des sols, ils contestaient même le fait qu’un sol puisse ne pas être en bonne santé. Mais heureusement la situation évolue rapidement, aujourd’hui il y a un projet de loi à l’étude à l’échelle européenne !
Quels sont vos outils de mesure et comment les utilisez-vous ?
Sur un sol, nous travaillons par zones homogènes : nous étudions la topographie, la géologie, les différentes pratiques du sol et nous le cartographions. Les déséquilibres sont différents en fonction des sols et des cultures : baisse de la matière organique en céréales, taux élevés de cuivre dans les vignes… Nous effectuons ensuite des prélèvements de sol par zone homogène et nous les analysons avec divers indicateurs : ADN pour la biologie, carbone… La force de Genesis, ce n’est pas de réaliser ces analyses mais de les normaliser pour passer d’une mesure connue en agronomie, le gramme par kilo, à une note entre 0 et 100, compréhensible par tous et qui prend en compte le contexte pédologique. Grâce à ce score, nous créons un langage commun pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. Au fur et à mesure, nous construisons une base de données qui nous permet d’avoir une vision globale de l’état des sols, de ceux en bonne santé jusqu’aux plus dégradés. Nous pouvons ainsi savoir où se situe un sol par rapport aux autres. Nous ne travaillons pas seuls sur cette base de données, nous menons des études avec les instituts de recherches comme l’École Normale Supérieure et le CNRS sur ce travail de normalisation.
Les attentes sur la transition agricole sont fortes, comment travaillez-vous avec les différentes parties prenantes pour répondre à ces défis ?
Les agriculteurs ne peuvent pas porter seuls le coût de la transition agricole, il faut s’appuyer sur les entreprises. Soit parce qu’elles ont des convictions fortes, soit parce qu’elles ont des obligations réglementaires et doivent fournir des données sur leur impact. Elles ne peuvent plus dire que ce qu’il se passe dans les champs n’est pas leur problème. Aujourd’hui elles font appel à Genesis pour faire ce travail d’extraction de données, elles nous demandent d’apporter des preuves de leur impact sur le sol. C’est gratuit pour l’agriculteur, dont les données vont nous permettre d’identifier quelles pratiques ont un impact positif. Une fois que l’industriel a les données, c’est à lui d’accompagner l’agriculteur dans sa transition.
Comment avez-vous été reçus par les agriculteurs ?
Nous avions peur que les agriculteurs soient méfiants vis-à-vis du partage de leurs données, mais nous avons été très bien accueillis. Ils ont bien conscience que leur sol est leur actif, donc ils sont contents d’en savoir plus. Néanmoins il est fondamental que ces informations ne puissent pas être utilisées contre lui. En Europe, il est protégé par le RGPD, la loi de protection des données. Ces données sont personnelles, il doit savoir dans quel but elles sont utilisées et peut à tout moment décider d’en reprendre la propriété. Notre but aujourd’hui, c’est d’accroître la connaissance : on ne ne peut pas arrêter de produire, donc il faut s’améliorer pour produire de manière plus durable. L’enjeu de partage de la donnée est fondamental.
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